HOUDRY Anne

incertain regard – N°15 – Novembre 2017 : Prosopopée

Je cours sur les herbes offertes au vent
Qui prennent la lumière du jour.
Je vole, c’est mon histoire, vers le soleil
L’air soudain, devient chaud,
Se charge d’odeurs inconnues, de sel marin.
Suis-je parvenue chez Neptune ?

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Je dois rester Terre, je suis la Terre, la terre fertile.
Je cours pour l’oubli, encore et toujours contre le vent.
Je vole au-dessus de moi et les cailloux apparaissent.
J’ai la légèreté des saisons fertiles.
Je cours à tes côtés sans un regard vers toi, pour mieux t’écouter,
Toi qui dois, après les moissons, dans les enfers retourner, vers ton temps conjugal.
Je cours et te montre cette terre qui est nous,
Avant que la lumière ne froidisse.
Je cours pour l’oubli, encore et toujours,
Contre le vent je vole, rapide
Me retourne
Dans l’immensité parcourue,
Mais tu es partie,
Vivre la profondeur
La brume se dissipe,
Sans bruit, sans vent, sans mystère.
Tu reviendras,
Le cycle recommencera,
Nous éprouverons à nouveau, ensemble,
La rotondité.

Les Eparges

Il fallait venir
Un matin d’hiver,
Être passé avant,
La route s’y prêtait, à côté de l’endroit, sous les arbres, où
Alain-Fournier tomba.
Il fallait venir
Doucement, garer la voiture en bas de la colline.
La neige saupoudrée dans la nuit avait gommé les
Traces de la signalisation routière et contemporaine.
Il fallait venir,
Voir le cimetière, les croix dos à dos sur la pente,
Un homme chaque fois
Sous terre.
Nous pensions être seuls en
Décembre, un matin ordinaire, mais une autre voiture arriva.
Une berline allemande qui venait aussi
Voir et se souvenir.

Romaine transhumance

Les pavés disjoints de la Via Appia Antica partent
Du cœur étrusque,
Traversent les ruines, les faubourgs,
Longent les maisons, avancent entre les pins, les cyprès,
Les mausolées
De plus en plus les pins.
Le bourdonnement constant de la Via Appia Nuova circule à
Quelques centaines de mètres. On est presque
Dans la campagne, l’arrière-plan dessine une colline
La chaleur d’avril tremble l’air au-dessus de la voie
Dans ce trouble,
Les premières images apparaissent comme un puzzle,
Un rêve, une scène archaïque
Un berger marche vers nous, sûr de son affaire, le regard au lointain,
Suivi par la grâce des brebis, agnelles et moutons bêlant
De la pastorale réinventée

incertain regard – N°12 – Mai 2016 : Etat des choses

Or et flambées vives
Claquent, étincellent, odeur rouge
L’automne là quand même

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Le champ vert et vaste
Ondoyant, ligne d’horizon
On dirait du bleu

Galet adouci
La vague travaille lentement
Ma paume se souvient

Arbre planté un jour
Une balançoire accrochée
L’enfant est venu

L’automne immobile
Rend la feuille dorée qui tombe
Sèche et fracassante.

Hors champs

Les Tibétaines trottent derrière un homme au visage épanoui qui les guide et se plie à leur hauteur.
Tourbillonnent en toupies leurs robes sur leurs pantalons. Carmin sur vermillon.
Leur vêtement écarlate flotte au vent qui traverse le Parterre du Midi.
Elles trottent pour assister à la mise en eau du Bosquet de la salle de bal et arrivent souriantes devant la cascade qui commence à l’heure dite.
S’étonnent du baroque et de l’excès.
Ont tous les âges, visage lisse ou ridé sous le bonnet rudimentaire.
Posent pour l’éternité devant la rocaille qui bruisselle.
L’odeur du buis exaltée par l’humidité se diffuse dans la salle à ciel ouvert mais ne sera pas sur la photographie.
Le sourire est naïf car offert et merveilleux.
Nous avons le regard aimanté par les rouges contradictoires de leurs habits ordinaires.

Intact

L’alpiniste qui gravit lentement
assure prises et appuis, se confie au mirage du matériel éprouvé.
Cliquetis des mousquetons, dégaines et maillons.
Solidité des cordes.
Parfois descend plus lentement encore après la chute dans une crevasse bleutée.
Des dizaines d’années plus tard, le glacier rend dans sa moraine, corps, sangles et harnais, visserie, poulies.
Débris.
Les fils grandis et devenus vieux depuis l’accident se retrouvent face au scandale d’un père plus jeune qu’eux au visage glacé intact.

incertain regard – N° 11 – Novembre 2015 : Dans la rue

Elle brille.
Il roule.
Il remonte la rue, les mains dans les poches, le dos droit,
La tête haute, la capuche dessus.

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Le guidon sera mouillé.
L’aisance est frappante.
Les genoux légèrement écartés du cadre.
Le pédalage appuyé est efficace et tranquille.
Il pleut.
C’est épatant un type qui pédale sous la pluie sans tenir le guidon.

Cap Coz

Ils sont dans le chantier de sable. L’éphémère mouvement.
Ils se rassemblent avant de s’éparpiller. Le vent souffle, prometteur.
Le Laser est un bateau silencieux, gracile.
La dimension de la voile est modeste. Le gréement, simple.
Ce pourrait être une marine de Boudin ou les Régates au Havre de Dufy.
Le ciel est pommelé, la mer raisonnablement agitée.
Les roues des remorques tracent le sable.
Les mâts sont les axes de la composition.
Il aura fallu que d’autres débarquent d’une mer métallique sur un sable chenillé
Pour que ceux-ci, dans leurs combinaisons uniformes, tentent les records.

La constance des pierres

Continuer à lire le carnet du journal pour vérifier :
Que les hommes qui meurent aujourd’hui sont nés après toi.
Se souvenir qu’on le faisait avant, pour tenter d’approcher l’inéluctable.
Lire les notices biographiques des politiques et des autres
Et s’assurer que ceux nés en 1923, sont morts.
Et même parfois avant 2012.
Comprendre l’irréversible.
Tâter la marque du 4 janvier de cette année là, l’assouplir.
Savoir qu’elle restera sensible et définie.
Avoir dit l’heure précise, 16h30.
Lire 1923 sur les cristaux liquides de l’horloge qui disent 19h23
Entendre parler de l’éternité des pierres, se souvenir du 17 juillet.
Tenter la mesure : arpenter ton espace, tes années. Le monde sans toi.
Pour te laisser revenir, d’abord,
Penser à toi ensuite.
Te laisser repartir dans ta nuit.

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