LUEZIOR Claude

incertain regard – N°16 – Eté 2018

Renaissance

il faudra bien un jour
que se démaquillent nos regards
où s’agenouillent des esquisses

un jour sans masque ni olifant
un matin de pastels et de lèvres
à peine entrouvertes
quand les miels de traverse
nourrissent et brûlent
nos ombres accroupies

écarteler ce que la rouille
vainement corrode
déplier le doute
et rendre braise
à la cendre trop grise

terre labourée
où gémissent encore
des silences

terre sienne
où reposent
infiniment
nos molles
résiliences

briser
ces couteaux extrêmes
qui se délectent
de leurs blessures

à l’orée des cachots
il me faudra repeupler
nos rêves alanguis

déplier ses paupières
élaguer ses brumes
violemment rendre vie
à ses seins de porcelaine
aux bras lourds de la nuit
dans l’infinie fragrance
de nos gestes inachevés

Oublier

tes énigmes au galop
sans mors ni bride
et ces débris
d’instants fracassés

ne plus piller
ces lambeaux de mémoire
que pulvérise encore
la meule des heures

quand se délitent
nos paumes écorchées
et s’accrochent
de viles déchirures

ne plus suffoquer
à l’ombre maigre de bétons
qui emmurent la fournaise
convoquant nos asphyxies

au pas, la tessiture
de nos voix en chamade
qui hument désormais
les vertiges d’un silence

Coquillage

au moment même
où se déploient
l’intime plénitude

et les noirs de jais
sur tes ambres
à la dérobade

je t’ouvrirai
dans les reflets
d’un ressac

tel un coquillage sacré
où luit la nacre
de tous les désirs

Ultime

Penser à mes chimères
toutes élytres arrachées

Agonie pour poètes sans clés
oracles et druides hermétiques

À l’entaille du destin
mes pages, alourdies de cicatrices
n’ont su étreindre
les tatouages dont la gloire
çà et là pollinise les pistes

Respirer à contre-courant
des stridences perverses
quand il suffit, pour épousailles
d’agiter l’arborescence
de magmas et de bruits

En vulnérables vendanges
voici le moût de mots
que tuméfie à l’automne
un soleil épars

Ardente, malgré le passage
qui s’approche sans cesse
ma main pourtant combat
jusqu’à l’ultime phalange

À la plume, au couteau
et jusqu’à la trame
pour une flaque de lumière

Une fois encore
à la frange des laves

Panser mes chimères
tous poèmes arrachés