DEGOUTTE Christian

incertain regard – N°13 – Novembre 2016

Carte blanche à Cécile Guivarch

Christian Degoutte

Fable of Faubus

Elle fait grande fille dressée sur la pointe
des pieds – sur le mur son ombre est Mingus – La coque
de sa contrebasse tosse contre sa hanche –
Elle claque des nerfs sur les glottes, ses doigts
crochent les moelles épinières – à longs coups d’archet
elle coud à cru son chant sur les peaux qui passent,
et l’autre – petite femme – avec sa trompette
fait crier les os du crâne – Ce qui est pur
est mort – La musique est pluie de la chair.

Lorsqu’elle s’arrête, on entend la mer, les bruits
d’éponge mouillée de faire l’amour – Soleil
oblique sur les cordes : des bougies au sol
éclairent un cartel qu’on lit entre les chevilles :
Pour les femmes verrouillées – Sacs de soleil
dans la nuit, les nus blonds des jambes des filles
– petite foule d’un instant – c’est une autre énigme

Barcelone – St Sylvestre


Solitude miel amer

Rouge pulsatile – courte robe – genoux
ronds serrés – une seule orange dévêtue
lentement, un seul café feront son petit
déjeuner – blonde enfantine de quarante ans –
sous la table ses mollets palpitant de veines
bleues dans l’ombre dorée des collants
n’est-ce pas ce qu’on désire du cœur ?

Les yeux baissés comme sous les petits couvercles
des petites cafetières – bouche fumante
tout en parlant bas de la foule poissonneuse
des trottoirs de Barcelone – puis riant bas –
qui ne tremble pas d’être découvert en train
de désirer être elle –

Barcelone – Hôtel Aristol


Bruna de rostre

Visages roulant dans le lit de la nuit
par milliers – ressacs mous des chevelures trilles
de rires remous de basses – la foule piétine
entre les barrières métalliques – où le profil
d’acajou d’une fille – étrave sarrasine
exagérément lente – se balance

Aperçue par éclairs croquant du raisin blanc
douze perles pour franchir l’instant – sous l’averse
de fils d’or – éclaboussée de fleurs d’entrailles –
la croqueuse de temps abandonne sa part
du sacrifice pour accompagner d’un sourire
le voilier transparent qui traverse sa paume
– son sachet de raisin vide – et, comme elle,
de se penser grain par grain puis de s’en aller
transparent – on sourit aussi

Barcelone, feu d’artifice