BRASSART Sophie

incertain regard – N°15 – Novembre 2017

Carte blanche à Hervé Martin

Sophie Brassart

Parenthèses de la lumière
(extraits)

Retourne-toi la voilà
la douleur première
langue brune affleurant
sur un front applaudi

Nous avons pris la mesure du caillou
l’astre sec
& le feu & la terre se sont réjouis

Même si tes larmes
ne coulent pas
on dit qu’un sable ensemence les peines

Ne reproche rien au désert ni au geste
le présage franchi
c’est la saignée de l’homme
en vain
au détour de la nuit

Donc, la nuit

Pas d’inventaire
Pas de calcul pas de signe

Seulement il s’élevait des ronces

Une griffe sur la commissure des lèvres
Un leurre sur le visage
sans visage excitant
les ténèbres et les ronces
déchiquetaient
chaque hypothèse aride, sensuelle

& la lune verte

& ce silence qui bat dans l’homme
comme un être
plus grand que lui

Cuisses somptuaires du chaos
dans la cage frêle du temps

Le ciel s’ouvre

Peut-être que c’est trop en moi
ces convulsions

l’abîme & la promesse

les torchères du carnage

Même si on est seuls
avec l’effroi
peut-être qu’il y a un nous

derrière la grille lourde
derrière les murs tièdes

peut-être qu’il y a un nous

Je cherche
derrière le soir

Rivages, caveaux de l’esprit

Le pas du cheval sur
le sable gris
soulève des appétits de carnage

Dans le reflet du monde
Mes pas n’oublient pas l’empreinte

Un vieil homme la mère peut-être aura marché

les bras croisés derrière mon dos

Désirant vivre
j’avale des cendres

Et tout mon corps épointait ceci

Voyager sans ailes
& sans bruit

arrachant un sourire au bitume

Qui m’a rendu libre

dans l’air sitôt rouge

l’éclosion d’une fleur
et de nos silhouettes

Dans le printemps que tu nommes

l’ombre d’un oiseau effaçant les murs

Du vivre ne sait-on jamais
tourner qu’une même page

Écartant d’un revers de la main
les rires les masques
aussi le bourdon strié

(nous sommes frères)

Dans nos multiples & brûlants raisonnements

Dans le cratère laiteux du nuage
si prompt à se défaire

la fleur au vent s’écrit

Elle porte un nom que j’ignore et que devine

le long du chemin de terre

ton enfantine gravité

Sur une eau en allée

(le premier âge d’une île)

Ma langue aiguise ses couteaux ainsi
des rives arrachées

Au bord sans nom
j’ai touché des leurres des spectres
les fabricants de la peur accrochée
au sang de mes lèvres

J’écris ces mots au cœur

d’une longue nuit ouverte

d’où surgissent
ventre sexe sable
& l’ombre de ceux qui se taisent,
comme le soir,
après avoir aimé

Je ne veux pas m’acheter d’histoire
au prix du rachat de l’Histoire

Pouvoir dire je sans convoquer
tous les assassinés les pendus les affamés

Pouvoir dire tu et nous sans lendemains

Evidence du désir

Avec du sel dans la bouche
j’ai fait don de mon poème
à l’or gris des talus

La patience nécessaire pour faire corps
avec le silence des graviers
&
tous nos gestes possibles vivent dans mes mains

A l’horizon se lève
le point lumineux de l’oubli