BECERRA SALAZAR Manuel

incertain regard – N°13 – Novembre 2016

Textes traduits de l’espagnol par Harry Szpilmann

Máscaras orientales

La máscara se desprendió de la corteza con una nariz
pequeña de pájaro y filosa por lo oval.
Tiene rastrillada en el entrecejo una arruga perpetua
que se
ensancha porque aspira las flores de la memoria y luce
una cabellera paralizada como la de los caballos de
feria.
Aunque sus labios sonríen en otro tiempo, sus dientes
grandes son residentes en una madera recién lavada.
Me hace pensar que estás poseída.
Quizá ocultas un rostro envejecido como tanto lo he
deseado ahora que te has ido y no el coro de ángeles,
no obstante, desde el cual me miras, pequeño animal
sensible a la luz ;
una especie en las últimas generaciones que vino del mar y
se erigió en dos pies para contonear su cuerpo
magnífico,
una flor ya transfigurada en el estanque cuyo tiempo
está contado. Quede tu rostro en mí sin el recuerdo
oscuro del ébano.

Masques orientaux

Le masque s’est détaché de l’écorce avec un petit nez d’oiseau, tranchant en ses courbes. Gravé entre ses sourcils, un froncement perpétuel s’élargit lorsqu’elle hume les fleurs de la mémoire ; brille une chevelure paralysée comme celle des chevaux de foire. Bien que ses lèvres sourient en un autre temps, ses grandes dents sont fichées dans un bois fraîchement lavé.
Ce qui me fait penser que tu es possédée.
Peut-être caches-tu un visage déjà vieilli ainsi que je l’ai tant désiré maintenant que tu es partie – et non un chœur d’anges d’où cependant tu me regardes, petit animal sensible à la lumière ; une espèce des dernières générations venues de la mer et qui s’est dressée sur deux pieds pour se dandiner avec son corps magnifique, fleur transfigurée dans l’étang et dont le temps est compté.

Que ton visage reste en moi sans le souvenir obscur de l’ébène.


Kawabata dori

Aún el poeta Yoshii Isamu escucha en esta página, de manera
natural, el fluir del agua.

Regresa a la ciudad y camina, como yo, por la calle Kawabata
de la ciudad de Kioto.

El viejo se mueve lento, engarzado en un traje infinito en
azules.

Camina montado en su pensamiento que es un caballo. Pisa
las flores, circunda los barandales que separan al hombre del abismo.

Y construye y deshace su pensamiento cuyo significado, frente
a una mujer, desaparece como las huellas de las bestias en la
nieve.

Kawabata dori

Le poète Yoshii Isamu écoute encore naturellement en ces pages l’écoulement de l’eau. Il retourne à la ville et marche, comme moi, dans la rue Kawabata de la ville de Kyoto.
Le vieil homme se meut lentement, engoncé dans un costume aux bleus infinis ; il marche en chevauchant sa pensée, qui est un cheval ; il piétine les fleurs, chemine autour des balustrades qui séparent les hommes de l’abîme.
Et construit et défait sa pensée dont le sens, face à une femme, disparaît comme les traces des bêtes dans la neige.


Kamakura

Una estrella mayor antecede lo que aquí fue hecho por la
mano hombre.
Hubo una gracia que vigiló cada uno de sus movimientos y aún
ahora en cada acto suyo reside una voluntad que no les
pertenece.
La ciudad se ha provisto de grandes fríos y se ha instalado en
las piedras un dios contenido.
La nieve ya ha empezado a deslavar el límite entre naturaleza
y lo que fue hecho por el hombre :
Las escamas de los peces
se acercan a los metales preciosos y las magnolias se
sueñan entre las
manos de los alfareros.

Kamakura

Une étoile majeure anticipe ce qui émana ici de la main de l’homme. Il y eut une grâce qui veilla sur chacun de ses mouvements, et aujourd’hui encore réside, dans chacun de ses actes, une volonté qui ne lui appartient pas.
La ville s’est pourvue de grands froids, et dans les pierres fut incorporé un dieu.
La neige a déjà commencé à délaver la limite entre nature et cela qui est fruit de l’homme ; les écailles des poissons s’apparentent à des métaux précieux, et les magnolias se rêvent entre les mains des potiers.


Nara

Los ciervos de Nara cruzan el sueño de los hombres.
Su lengua es como la de los insectos cuando comen de la
mano de los extranjeros.
En su cruzada hacia el interior de los parques atraviesan los
temblores de la nieve.
Se les concedió –lo que antes fuera una espada– unos
cuernos limados, encajados al cráneo,
ya para alejarlos del mal, ya para la falsa convivencia con los
hombres.

Nara

Les cerfs de Nara traversent le rêve des hommes.
Leur langue est semblable à celle des insectes lorsqu’ils viennent manger dans la main des étrangers. Dans leur croisade vers l’intérieur des parcs, ils franchissent les tremblements de la neige.
Il leur fut légué ce qui auparavant fut une épée : des cornes limées et encastrées dans le crâne. Tantôt pour les éloigner du mal, tantôt pour la fausse convivialité des hommes.


Tokio

¿ Recuerdas todavía aquel cortometraje
de Shōhei Imamura donde un hombre, un
soldado
imperial vuelve de la guerra y adopta el
modo
vital de las serpientes, y ya hecho una
serpiente,
empieza a devorar roedores y a vivir
en los ríos y hacia el final se aleja
ondulando por aguas azules y tranquilas
de una cascada puesta en el estudio
y una mujer le grita poco antes del Fade
out :
“¿ tanto te repugnó ser hombre ?” ?

Tokyo

Te souviens-tu encore de ce court-métrage
de Shohei Imamura dans lequel un homme,
un soldat impérial revient de la guerre
et adopte le mode de vie des serpents et,
une fois devenu serpent, commence à
dévorer des rongeurs et vivre dans les rivières
et vers la fin s’éloigne en ondulant dans les eaux
bleues et tranquilles d’une cascade de studio
et une femme lui crie juste avant le fondu final :
« Cela te répugnait donc tellement d’être homme ? »

Les poèmes de Manuel Becerra Salazar ont été publiés dans leur version originale par les
éditions mexicaines _ Generación _ Y.