Jean Perguet, Journal du samedi 2 février 2019
Mercy, Mary, Patty de Lola Lafon, Actes Sud, 2017.
« Vous écrivez les jeunes filles qui disparaissent. Vous écrivez ces absentes qui prennent le large et l’embrassent sans en trier le contenu, élusives, leur esprit fermé aux adultes. Vous interrogez votre désir brutal de les ramener à la raison. »
Est-ce ce vous utilisé par une narratrice que je ne suis pas arrivé à situer, longtemps ; est-ce la construction habile liant les enregistrements d’une fille kidnappée, les coupures de journaux, les éléments d’enquête, le questionnement, les doutes d’une Violaine à laquelle je m’identifiais intensément, Violaine la stagiaire, Française qui découvre cette Amérique des années 1970 où se situe le drame ; est-ce le suspense, les éléments distillés au compte-gouttes comme dans un thriller ; est-ce le réalisme presque télévisuel, cette longue phrase de quatre pages rythmée à la manière d’un commentaire sportif, quand vous décrivez l’attaque sanglante du FBI contre le groupuscule révolutionnaire ? Est-ce le d’après-un-fait-réel, cette exofiction qui diagnostique la société, « ces désordres [qui] lui semblent… CRS… » (page 27), « L’anorexie qui est une arme raffinée mais une arme quand même » (page 75), « ces assemblées où se succèdent des jeunes orateurs brillamment loquaces…, qui coupent la parole à ceux et celles qui balbutient, hésitent, bredouillent » (page 103), les témoignages d’ados (Leslie, Louis, Carrie…) « qui épousent la cause du transfuge de Classe, la naïveté libertaire des sixties qui sera tuée par le conservatisme des années quatre-vingt » (page 185), Lola Lafon m’a enthousiasmé, baladé, surpris. Lola Lafon, le mystère des surdoués : chanteuse, actrice, auteure. Fascinant !