Jean Perguet, Journal du vendredi 28 décembre 2018
Lettres à Anne de François Mitterrand, Gallimard, 2016, réédité dans la collection Folio en 2018.
Je referme ce livre ne sachant pas trop quoi en dire tant il est singulier de se plonger, sans même savoir s’il l’aurait souhaité, si la publication de ce testament aurait été consentie, dans l’intimité d’un homme que l’on a connu tantôt comme un respecté « Monsieur le Président » tantôt comme un exécré « Mitterrand », de devoir soudain abandonner ses préjugés (ceux attachés à l’histoire, la complexité, la stature, le machiavélisme de F.M.), préjugés qui font dire à certains de mes amis : « jamais je ne lirai ses correspondances amoureuses quels qu’en soient leur valeur littéraire et le bien que tu en penses. Cela ne m’intéresse pas. »
Pourtant c’est bien de lettres d’amour qu’il s’agit : passionnantes, déroutantes (vu l’auteur) car n’ayant pas d’autres destinataires que l’Aimée, elles dévoilent enfin la naïveté qui sommeille, la beauté (cette incontrôlable intuition) qui guette et obsède, cette alchimie complexe de doute, d’évasion, de séduction, de complicité intellectuelle toujours, de certitude rarement, d’égoïsme souvent. Ce sont de superbes lettres d’amour que l’on regrette ne jamais avoir écrites soi-même, ou reçues, par pudeur, par paresse ou peur du ridicule. Mais aussi quelques lettres où, d’une plume balzacienne, François raconte des situations parisiennes et provinciales ; comme la journée d’un député partagé entre devoir, ennui et impatience du retour.
N’en déplaise aux détracteurs, j’ai vraiment découvert une œuvre littéraire.