L’écriture comme un couteau

Jean Perguet, Journal du dimanche 9 décembre 2018

L’écriture comme un couteau d’Annie Ernaux, Gallimard, Folio, 2011.

Un titre qui correspond exactement à l’impression que m’a laissé son écriture. Non pas celle d’un scalpel qui évoquerait une écriture clinique. Un couteau, plus populaire et plus radical.

Ce n’est ni un livre de correspondance, ni réellement un entretien. Un objet hybride : entretien puisque Frédéric-Yves Jeannet interroge et Annie Ernaux répond ; correspondance puisque ce sont des échanges par courrier électronique « quelque chose de très libre sans finalité précise… dans la distance et l’écart des points de vue… sans répondre immédiatement… mais une fois l’impression d’avoir saisi quelque chose d’un peu sûr… une réponse sans notes et avec le minimum de corrections ». Et de cela se dégage une impression de vérité, de concision, de nécessité, de passion. Au moment où je m’interroge moi-même sur l’écriture, où j’éprouve des difficultés à avancer dans l’écriture d’un roman, je trouve non pas des réponses, non pas des recettes, mais lorsque le doute me prend, la sérénité d’une posture : « Je ne me pense jamais écrivain, juste comme quelqu’un qui écrit, qui doit écrire. En ce sens, il n’y a pas de quoi en faire une affaire. »

Sur ce sujet (la littérature et l’écriture), cet entretien est une vraie mine de réflexions. Par exemple alors que je remettais justement en cause, dans mon brouillon, le narrateur et le point de vue que j’avais choisi, que je « jetais » pour réécrire, je lus ceci : « Pour revenir précisément au « Je » : avant tout c’est une voix, alors que le « il » et le « elle » sont, créent, des personnages. La voix peut avoir toutes sortes de tonalités, violente, hurlante, ironique, histrionne, tentatrice, etc. Elle peut s’imposer, devenir spectacle, ou s’effacer devant les faits qu’elle raconte, jouer sur plusieurs registres ou rester dans la monodie. »

Je n’ai pas trouvé la réponse formelle à mes questions. Mais un changement s’est produit en moi : « Pas seulement celui de la voix, mais celui de la posture entière de l’acte d’écrire ».