Jean Perguet, Journal du vendredi 11 janvier 2019
La place d’Annie Ernaux, prix Renaudot 1984, Gallimard, Folio, 1986.
C’est parce que dans L’écriture comme un couteau Annie Ernaux cite souvent ce roman comme celui qui avait surpris et choqué le plus mais aussi comme celui qui est peut-être à l’origine, à l’affirmation de son style, que je suis allé le chercher à la bibliothèque. L’envie de connaître un peu mieux cette auteure tantôt décriée, tantôt adulée, reconnue comme en témoigne son entrée chez Gallimard, collection Quarto, en 2011 dans un volume titré Écrire la vie. Ce qui m’a particulièrement intéressé c’est, pages 23 et 24, l’exégèse de ce livre qui, né roman, se transmue en récit : « Je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi… Par la suite, j’ai commencé un roman dont il était le personnage principal. Sensation de dégoût au milieu du récit. Depuis peu, je sais que le roman est impossible. Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de passionnant, ou d’émouvant… »
Paradoxe, ce court récit, lu une fois de plus d’une traite, résonne lui aussi avec la France des oubliés (page 75), la France manipulée (page 30), alors que « plusieurs mois se sont passés depuis le moment où j’ai commencé ce récit en novembre… » (page 100).
Et on comprend alors, dans ce livre, les positions parfois radicalement à gauche, revendiquées en ce moment particulier, par Annie Ernaux.