La mort de près

Jean Perguet, Journal du samedi 12 janvier 2019, le même soir.

La mort de près de Maurice Genevoix, La Table ronde, collection La petite Vermillon, 2016.

Rapporté par Chantal qui a profité d’un moment de répit lyonnais pour faire un tour dans la belle librairie Vivement dimanche à la Croix-Rousse. Je ne lirai sûrement pas Ceux de 14, c’est trop tard, le centenaire est passé, je suis passé à autre chose, mais ce court ouvrage est le moyen de rencontrer cet auteur dans le registre de la guerre, et de sa « lecture » avec le décalage et la sagesse de l’âge : Maurice Genevoix a alors quatre-vingts ans. Encore un livre dévoré malgré un mauvais pressentiment de départ parce que l’évocation du sujet démarre par une écriture somptueuse, théâtrale par l’évocation de ce bain de sang par celui d’une vache que je trouvai légèrement déplacé et me rendit mal à l’aise.

Puis, une fois entré dans le sujet la mort de près se précise, l’étau se resserre, l’horreur arrive, salutaire car je me souviens de la difficulté que j’ai eue à la Toussaint dernière pour expliquer à mon petit-fils de 9 ans que la guerre, la vraie, celle qu’il étudiait en classe, celle qu’il devait commémorer, n’était pas qu’une histoire de héros, n’était pas un jeu vidéo, mais un concentré d’horreur, le carnage des uns, l’attente des autres. Un drame que je souhaitais qu’il ne connaisse jamais comme j’avais eu cette chance — j’aurais peut-être toujours la chance — de ne jamais connaître. J’avais alors essayé de décrire l’horreur sans trouver les mots ni le fragment littéraire correspondant. Et là, je les avais, voraces comme un « 77 », page 50, 59 ou 61. Avec ce renversement de situation à la fois tragique et burlesque, ce bouton de vareuse salvateur (page 69 à 79) qui en fit un survivant qui nous laissa ce tout aussi salvateur témoignage. Un livre que je lis au moment où, chaque samedi, je crains qu’une provocation tourne en émeute, puis en répression, voire en carnage (l’histoire hélas montre que l’inconcevable arrive même en démocratie).

Et Maurice Genevoix de nous livrer ce remarquable épilogue : « Mais comment irais-je au-delà ? ».