Fantine, Cosette, Les Misérables

Jean Perguet, Journal du lundi 8 avril 2019

Fantine, Cosette, parties des Misérables de Victor Hugo, édition intégrale, Gallimard, Folio, 2017, également disponible en livre audio aux éditions Thélème, 2011.

De l’intérêt des parenthèses

C’est en version audio que nous écoutons l’intégrale des Misérables. 57 heures que nous répartissons sur quelques longs trajets automobiles et où nous pouvons — attention à ne pas être trop absorbés — nous concentrer sur l’écoute. Mais merveilleusement lu par Michel Villermoz puis Élodie Huber, il nous semble réellement redécouvrir la magnifique prose de Victor Hugo. Certes on connaît presque tout de Fantine et de Cosette, on tremble, on s’apitoie, on se révolte, on colère contre Javert ou les Thénardier.

Mais surprise on plonge dans un monde inconnu, car en fait j’ai lu ce livre adolescent et sûrement dans une version abrégée. Et là, coincé au volant, on doit aller jusqu’au bout des nombreux exposés, témoignages qui complètent le roman d’aventures et de mœurs. Portraits minutieux, description de Paris en reconstruction, petite histoire des évènements remise dans la grande histoire. Et rien n’est à perdre. Un travail de romancier-historien-journaliste-économiste-philosophe.

Cosette commence sur un reportage, presque grandeur nature, de la bataille de Waterloo, et un sidérant livre premier sur le « mot de Cambronne ».

Et le livre septième, une incroyable conférence, sur la vie au couvent, le « couventisme ». Hugo y parle de prière, de foi, de loi. C’est remarquable.

« Contempler, c’est labourer ; penser, c’est agir. Les bras croisés travaillent, les mains jointes font. Le regard au ciel est une œuvre. Thalès resta quatre ans immobile. Il fonda la philosophie. »

Et toujours cette prose hugolienne qui me touche, inimitable (sauf peut-être par Patrick Grainville) et dont je veux témoigner ici par la dernière phrase de ce livre septième, écrite comme un souffle :
« Quant à nous, qui ne croyons pas ce que ces femmes croient, mais qui vivons comme elles par la foi, nous n’avons jamais pu considérer sans une espèce de terreur religieuse et tendre, sans une sorte de pitié pleine d’envie, ces créatures dévouées, tremblantes et confiantes, ces âmes humbles et augustes qui osent vivre au bord même du mystère, tournées vers la clarté que l’on ne voit pas, ayant seulement le bonheur de penser qu’elles savent où elle est, aspirant au gouffre et à l’inconnu, l’œil fixé sur l’obscurité immobile, agenouillées, éperdues, stupéfaites, frissonnantes, à demi soulevées à de certaines heures par les souffles profonds de l’éternité. »
Ce livre est titré Parenthèse.

Et petit à petit, malgré notre impatience de se remettre en mémoire les mésaventures de Jean Valjean, nous attendons avec impatience chacune de ces parenthèses. S’il fallait citer un ouvrage de vulgarisation ! Je crois que ce serait une sélection de ces chapitres.
Ils mériteraient un jour, à eux seuls, une lecture.