Dépressions

Jean Perguet, Journal du jeudi 28 février 2019

Dépressions de Herta Müller, Gallimard, 2015.

Herta Müller, prix Nobel. Je n’en ai jamais entendu parler. Je tombe dessus par sollicitation. Besoin de construire, en binôme, une séquence, une progression d’atelier d’écriture (encore) pour un cycle d’initiation roman. Garance, ma collègue, toute de noir vêtue, cuir clouté, tatouages sur l’épaule qu’elle porte très bien, idées tranchées, parole directe, a réduit le registre : roman noir ! Et cela lui va si bien avec son humour souvent féroce. Mais voilà, si j’en sais un peu plus sur ce registre grâce à l’entretien de Pierre Lemaitre, je ne lis pas de policier, je ne lis pas de roman noir (ni de fantasy, ni de science-fiction, bref je me sens soudain sectaire). Garance me propose de lire du Carver (OK, je connais un peu) et propose de me prêter Dépressions, un recueil de 19 nouvelles de Herta Müller « que j’adore, dit-elle ; à te filer le bourdon ».

Et voilà, pour du noir c’est noir. Glauque, féroce. Dans ces villages souabes il fait froid, il fait sombre, il n’y a pas d’espoir, chacun est observé par l’autre, on se dénonce ou on se détruit.

Une noire vision de l’Allemagne de l’Est. Garance a raison, on plonge dans le cafard, et paradoxalement, cet engourdissement lugubre n’est pas si désagréable car il y a juste la pointe d’humour (noir) qui sauve, la persistance d’une petite bouffée d’espoir (je suis maladivement optimiste).

Et j’y retrouve cette définition du noir qu’avait donnée Garance pendant la préparation de la séquence : « J’aime le noir ; car c’est un prétexte à raconter ce qui n’est normalement pas racontable, pour se protéger sous le prétexte de ce registre : le noir. »