Poèmes extraits de
cette vie est la nôtre
Éditions Champ Vallon
◊
c’est toujours les enfants qui tombent dans les piscines
les rivières celui-là
tout habillé tout ligoté il est tombé bien sûr on a dû le
pousser
le diable pour savoir qui ça bataille ferme dans les media
tout le monde participe au match on ouvre les paris
depuis longtemps oublié
le petit corps ruisselant d’eau rigide quand on l’a sorti
de l’eau
on l’a oublié depuis longtemps oublié l’intéressant c’est
les vivants le papier qu’on peut gratter
les enfants c’est pas grave on peut en faire
à la douzaine il suffit d’arrêter la pilule où calcule spon-
tanément
le moment le plus favorable ça vient tout seul l’amour
ça se débite naturellement c’est une denrée
avant on disait de la chair à canon mais de nos jours dans
nos contrées les canons c’est juste pour les défilés
dans nos contrées les canons on se juche dessus les soirs
de grande victoire dans les grands stades les canons ils
sont ailleurs
ils tirent ailleurs les canons dans des pays où de toute façon
les enfants s’ils meurent c’est d’autre chose c’était déjà avant
la guerre de faim de maladie
dans des pays où les enfants c’est pas grave ils en font
tant ils ne font que ça
les enfants à la pelle ils les font et c’est à la pelle qu’ils les
enterrent
plus tard c’est à la pelle qu’ils creusent
fosses communes en lieux communs si communs ils
tombent ensemble
de machettes en bombes ils tombent c’est beau un
enfant qui tombe
en tombeau commun on y pense puis on oublie
◊
envoi
un peu de terre sur si petites chairs un peu de terre il
suffit de si peu pour recouvrir ces corps si peu pour
oublier
un jour une main
toute petite de la terre
a dépassé une main s’est tendue s’est repliée une main a
pleuré toutes les larmes de son corps une main a replié
ses doigts une main est devenue poing une main a
pleuré sans larme ni sang une main a gémi
frères humains qui après nous vivez le croirez-vous
tous ces mouvements de pelle ils ne résonnent pas sur les
chairs dévorées
frères humains ne nous pardonnez pas
nous n’avons nulle excuse qui après nous vivez
même si le remords c’est toujours la femme tondue et le
vain cœur et c’est l’enfant tombé
sur le chemin de jungle c’est l’enfant mutilé au creux
d’une vallée de mosquées en églises de temples en syna-
gogues c’est l’enfance violée
dans les bras du vieil art on l’appelle la guerre
in cette vie est la nôtre © Edition Champ Vallon
Ces textes sont d’abord parus sur www.incertainregard.fr, site créé par le poète Hervé Martin en 2002. Ce site contient les écrits parus dans la revue de 1997 à 2015.
La municipalité devient l’éditrice d’incertain regard en 2015, avec une nouvelle adresse : www.incertainregard.net
Les textes ont été reproduits à l’identique.