ROSSE Elisabeth

incertain regard – N°21 – Eté 2022

Cadres
Extraits

Là où cela multiple
Avec cette insistance
Nécessaire sous les yeux

C’est un étalement
Qui passe sur les grands mots
Et qui suspend le temps arrimé aux paupières

Noir
Qui n’est pas
Qui bourdonne et tressaille
Noir qui noire et

Qui noire
Noir encore
Entonné comme un chant appelé à tenir
Un chantier d’entonnoirs
Noir

Car tenir
C’est bien tenir ensemble
Tenir ici
Et là
Tout un lot de mystères
Qui sont là pour se taire
Sans humeur
Se montrer et se taire
S’éloigner et se taire
Faire retour et hurler
Leur intensité muette

Voici l’inaccessible et là
Ce pré de luminions qui dansent avec lenteur sous un repli de chair
Comme sous une voûte
Voici l’oeil dans l’attente
Que le jour
Balaye sa courte transe

Il faut nous décoller
Sensiblement
De cette nuit épiée sous une peau de pierre
Entravée d’horizon
Moissonnée de prières

*

Au noyau vert du drap
Nuit coupée
De l’intérieur
D’où surgit cette obscurité
Elle, amande
Déposée sur la table

*

Les fruits ne sont pas mûrs
Mais on les vend quand même
Campés sur leur noyau
Poli

Les mains sont affamées
Elles s’appliquent tant dans leurs manies de tenancières

Nos squelettes se tiennent droits
Equarris de mimiques
Leur vanité nous presse mais leurs regards
Sont lointains
Ils visent une certaine peau
Et le goût filandreux de la chair
Caressée par cet Autre
Une fois

*

Tenir
Ce verre
Nos mains ne savent plus
La mesure
De la table à la bouche de la bouche à la table où le poing est serré
Il faut choisir
OEuvrer ce face à face
Achalander nos lèvres
De cette eau
Tenue à bout de doigts
Ou en silence
Dévoiler la parole
Le verre toujours
Poing serré
Retenu sur la table

*

Rue passante
Une voix joue au gospel
Derrière les barricades
Voix du matin
Tessiture moyenne
Le ciel tient bon
La tyrolienne
Y glisse comme un détail
On voudrait que la voix soit vive
On voudrait que le corps soit live
Présence, présence, (silence) présence
Les planches qui balisent l’ouïe sont tellement inégales
Elles édentent le quai
De la ville baleine
Qui ouvre ses fanons
Au son du transistor

*