incertain regard – N°21 – Eté 2022
Carte blanche à Hervé Martin
Philippe Mathy
Quelques soirs
Je mets à l’abri du froid les mots,
je veille sur l’ombre de l’herbe, la cultive
à la lumière nocturne des parterres,
je prends soin de la maison où je vis,
je dis doucement ton nom, le garde
pour l’hiver à venir, comme une lampe.
Francesco Scarabicchi
1
Sous le soleil bas
les cailloux blancs du chemin
vibrent de formes sous leurs ombres
Le ciel est encore bleu
Les vignes musent
en presque silence
une mélodie de sirène
Fatigué par la marche
le regard traverse le mur du visible
sans comprendre ce que nous confie
la beauté qui nous assaille
2
Tu sursautes
comme si une main
s’était posée sur ton épaule
La journée s’éteint
Une autre lumière
s’allume sous tes paupières
d’autres couleurs
des voix inconnues
venues du passé du futur
d’un ailleurs que tu ignores
Dans un demi-sommeil
tu t’abandonnes au jour qui décline
3
Un mur de pierre
où les lézards se chauffent
Le murmure d’un train qui passe
vers Paris ou vers Nevers
sans qu’on ne connaisse jamais
le visage des voyageurs
Lentement le soleil
tombe sur la Loire
Lumière dans mon verre
pour s’allier à l’or fumé du Pouilly
Vagues venues du proche
fredonner une musique
Mon poème voudrait la colporter
coquillage à ton oreille
4
Neuf heures déjà le jour décline
la lumière devient furtive
elle se glisse entre les arbres
les herbes hautes
On dirait qu’elle veut
creuser la terre
s’y abriter comme les graines
pour germer en un futur matin
creuser la terre
comme le soleil
prêt à s’enfoncer
sur la ligne d’horizon
5
Une hirondelle
petit mouchoir agité
dans le ciel d’été
Au revers d’une lettre
découverte dans la boite
le nom d’une amie
Un peu de vent frais
tandis que le soir tombe
et que l’on regarde
un verre à la main
la paix tranquille du jardin
Ce dont je me souviendrai
de ce jour
ne sera peut-être que cela
Assez pour sourire demain
à l’éveil d’un autre matin
6
Ce fut une belle journée
Le ciel mélange les couleurs
Tableau d’une joie
mêlée de tristesse
La lumière
éclaire nos lèvres d’un sourire
comme ces fleurs prêtes à se faner
dont le parfum
continue de voyager
7
La lumière est aspirée
par la fatigue du jour
Tout est toujours
appelé à disparaître
Le jardin s’efface
puis les murs
On en est réduit
à rejoindre l’intérieur
Croire croire encore
pour que surgissent
d’autres matins