moi,
celle où toi, sur le quai, tu resteras seule,
un jour,
seule,
toi,
je sais,
mais je sais aussi que pour toi,
oui,
pour toi seule,
à chaque fois, toi, même les moments les plus oubliés de notre
vie ensemble,
à chaque fois que soudain, sans même comprendre en fait
pourquoi, tu te retrouveras, toi, à les revivre,
à chaque fois que sur l’eau, là-bas, tu regarderas la flèche
avancer lentement d’une péniche à ras pleine,
à chaque fois que tu regarderas s’écrouler, du haut des
rochers, l’étincelant jackpot d’une cascade,
à chaque fois que tu regarderas, toute fraîchement coupée, au
grand soleil sécher la pluie,
à chaque fois,
je sais,
à chaque fois je me survivrai,
je me survivrai pour toi et par toi,
par ce regard tien qui voyait si loin qu’il me fallait toujours,
moi, pour mieux voir, t’appeler à l’aide,
par cette écoute aussi, moi n’entendant rien, rien, non, qu’un
silence, et ne demandant alors qu’à te croire,
par cette voix si jeune et si chantante en moi, tant elle est au
fond toujours chant commun,
par ce regard, par cette écoute et par cette voix,
je sais que je me survivrai,
par ce rire et son carillon d’éternelle enfance,
je me survivrai,
par tout ce que tu es,
je me survivrai,
par tout ce que tu seras
je me survivrai en tous ces moments où tu seras même à nous
imaginer ensemble,
à nous imaginer, oui, faire ensemble une pleine nuit de lumière
absolument pure,
peindre ensemble en plus vert que vert prés et forêts, plus
blanc que blanc la cime des monts, le ciel plus bleu que bleu,
à nous imaginer étendre ensemble une mer partout parfaite,
une mer partout plus que transparente,
en tous ces moments où nous ne serons plus qu’ensemble
ingénu hommage à la beauté du monde,
où nous irons visser là-haut, à midi juste, un grand soleil
ensemble aussi vrai qu’en elle-même est la vie,
en tous ces moments pour toi et par toi où nous serons ainsi,
toi et moi, encore et toujours ensemble,
je me survivrai,
moi,
je sais que je me survivrai,
mais sache,
oui,
sache,
après moi,
après toi,
ce ne sera pas peut-être, ici, à tout jamais le seul silence,
après nous,
non,
un autre couple,
un autre couple absolument aimant,
un autre couple un jour fera de nous ici connaissance,
et nous nous survivrons alors,
nous nous survivrons,
ce jour-là, ici,
nous nous survivrons,
toi et moi ensemble,
nous nous survivrons,
nous.
Maurice Regnaut ©
Le Site de Maurice (Regnaut)
Ces textes sont d’abord parus sur www.incertainregard.fr, site créé par le poète Hervé Martin en 2002. Ce site contient les écrits parus dans la revue de 1997 à 2015.
La municipalité devient l’éditrice d’incertain regard en 2015, avec une nouvelle adresse : www.incertainregard.net
Les textes ont été reproduits à l’identique.