LE MOËNE Barbara

incertain regard – N°18 – Eté 2019

Embrasure

Ni la porte ni le seuil ni l’âtre
ne caractérisent ma maison
mais la fenêtre
et ses persiennes ouvertes

seule derrière l’embrasure
j’aime à me tenir
n’en finis pas de regarder
n’en finis pas, ne me lasse pas

façon de repriser l’hiver
comme j’habitais l’hiver de l’enfance
comme on habille l’hiver nu
couture et front contre la vitre

debout dans le rien
debout dans le vide
Quoi, ma maison serait vide ?
mais l’œil fou — déjà —

traversait la rue et grimpait aux arbres
l’œil — comme chien échappé
dans la ramure des arbres

 

Contre la tempe

Coule la vitre
eau transparente et dure
rivière qui forme frontière
entre le champ cultivé
de notre solitude en les murs
et la prairie au dehors
herbue
fleurie
grouillante
et le vent au-dehors
— le vent
fait respirer la pierre
vient battre contre le mur
contre la tempe
— le vent
maître des corps et maître de l’immense

 

Poche de songe

Comme on ouvre un livre
fermons la fenêtre
qu’on n’entende plus
les bruits marchands du dehors
déplions le linge de maison
les collerettes de linon
une taie d’automne, la maison
— marais humides
— derniers fruits de l’été
— ombre bleue des après-midis
efface
à l’étouffée
à la fenêtre livre lu et relu
langue des signes, la maison
poche de songe
pour moi seule
ouate les bruits du monde