incertain regard – N°18 – Eté 2019
Le Berger des larmes
Extrait
*
dans les déclins du noir
là où le cuivre bat sa plainte
et où le soupir s’atténue
les brasiers de la mer
s’avivent d’eux-mêmes
portant la mémoire et le ciel
jusqu’au plein chant du monde
la vérité du réel s’accumule sur le sable
au vaste secret de la blessure
dans l’espace nouveau de l’heure souterraine
affranchi de tout visage affranchi de toute ombre
ancré entre les désirs
comme le froid qui se tait dans les pleurs
et la vie qui renaît en l’amarre tremblée.
Les Fusains troubles
Extraits
*
derrière tes gestes
et devant ton regard
je m’approprie la buée des mots
comme un oubli
sur la portée mélodieuse du vent
je me défends de ces ruines
où broussailles et mémoires se mélangent
où nuit et jour se destinent aux étoiles
je tisse en la pluie sereine
ton habit de glanure
la terre noire relie ta vie
et ton sang ocre partage les itinérances
dans ce flot incertain d’altitude
la neige brève et chaste
libère les ombres
retient les voix
derrière tes gestes
les quelques larmes ne suffisent plus
il y a cet incendie irréel
qui répand le doute et statufie les anges
à l’aval du destin
toute existence mendie ses regrets.
*
les épis de la nuit se reposent
le vent épie l’âme
et chante son écho
la blessure y délivre un nouveau regard
un fruit mort où se mire le poème
tout s’envole à travers le bleu de l’ombre
les tressaillements du monde
emportent avec eux l’impatience de la terre
l’immobile devient mouvement
le furtif devient cri d’espoir
et dans cette incertitude ambivalente
le bonheur prend sa place
comme une fugue au ciel
comme un nuage au présent
les voiles ouvrent passage au souffle
la fontaine boit à la source du temps
on pose à la margelle les roses noires de l’été
l’obscurité s’est encore tracée sur les sables
on jette les amarres du langage
aux eaux froides et naissantes de l’angoisse
tout s’épuise dans la nuit
où le visage n’est qu’une ouverture
sur l’oubli.