Jean Perguet, Journal du dimanche 16 décembre 2018
Regarde les lumières mon amour d’Annie Ernaux, éditions du Seuil, collection Raconter la vie, 2014.
Autant, au-delà de l’expérimentation première, je n’avais pas accroché à la Tentative d’épuisement d’un lieu commun de Georges Perec, autant, cette fois, j’ai accroché à cet épuisement d’un lieu public, le centre commercial des 3 Fontaines de Cergy-Pontoise, qu’Annie Ernaux ausculte pendant plusieurs mois pendant ses pauses d’écriture. Car il y a dans son écriture, une description ethnographique, une vraie dimension sociale, de curiosité sociale, quelque chose qui dépasse le simple journalisme. Une observation, une scène qui ouvre aussitôt sur une réflexion, une allusion, une simple extension du particulier vers le général. Tout cela, je l’ai vu aussi maintes fois, je l’ai pensé aussi, mais je l’ai aussitôt oublié, comme nous tous. Mais Annie Ernaux, comme l’aurait fait un photographe social, a pris date, a figé l’instant, l’a inscrit dans l’histoire, notre histoire, grâce à la littérature.
« J‘ai arrêté mon journal. Comme chaque fois que je cesse de consigner le présent, j’ai l’impression de me retirer du mouvement du monde, de renoncer non seulement à dire mon époque mais à la voir. Parce que voir pour écrire, c’est voir autrement. C’est distinguer des objets, des individus, des mécanismes et leur conférer valeur d’existence » (page 71)
Pour écrire sur tout et pour accompagner souvent une photographe, je suis vraiment en ligne avec cela.