Jean Perguet, Journal du vendredi 1er mars 2019
Feuillets d’Hypnos de René Char, Gallimard, Folio, 2007.
Il est des évènements ignorés ou boudés où l’on se sent alors un privilégié, celui de pouvoir goûter en petit comité, à peine quatre-vingt, dans une mise en scène de cabaret, attablé devant sa bière, un récital de poésie. C’est cela que nous offre ce soir Nicolas Repac, dans ses Méditations sonores, accompagnant la voix un peu rauque, sobre, rentrée d’Arthur H qui déclame, sur fond discret de piano, de guitare et de percussion, Les feuillets d’Hypnos, une sélection de quelques-uns des 237 fragments. Arthur H les présente comme une série d’aphorismes qu’il avait toujours eu envie de lire. Ce soir est l’occasion, la première, l’inédite.
Si ce sont en partie des aphorismes, « Ce qui m’a mis au monde et qui m’en chassera n’intervient qu’aux heures où je suis trop faible pour lui résister. Une personne quand je suis né. Jeune inconnu quand je mourrai. La seule et même Passante », j’ai découvert aussi quelques témoignages brefs, cruels, affreusement réalistes, ces moments de dilemme, celui de chef de réseau de la Résistance, où il faut choisir entre la vie des uns et la sécurité des autres, dont le douloureux fragment 128 qui se termine par « J’ai aimé farouchement mes semblables, cette journée-là, bien au-delà du sacrifice ».
Et une fois de plus, une lecture impulsive, de retour à la maison, de ces textes qui dormaient dans ma bibliothèque, un héritage de ma mère à côté de Federico Garcia Lorca, et que j’avais ignorés.