PAPIN Orianne

incertain regard – N°15 – Novembre 2017

Sotto voce

Dans les rues corps et cœurs glissent tempo frettoloso
                              Se frôlent deux épidermes, piano subito,
Ébranlées comme à la naissance du monde.

À l’ombre d’un comptoir, les confidences sotto voce
             De joies, con allegrezza, de fêlures, affannato.
On dit tout, on dévoile, on délivre,
                                                                                   Ma non troppo.

Dans le creux d’une chambre, deux nuques s’aimantent, grazioso :
Hanches saisies con forza
     Lèvres dérobées appassionato
Mots susurrés ardito
Glissando, delicato, martellato, energico, fortissimo, morendo
.

À l’aube, des doigts sur un bras ondulent arpeggio.

On s’exporte, on s’enivre, on se chante, on se rit
Des autres, de la vie, du temps et des fléaux ;
On s’emporte, on se mord, on se tord, on s’écrit
Des partitions où tout se jouerait crescendo.

On se promet tout, religioso.

Con affetto un matin on s’embrasse sur le front.
Malinconico un soir on regarde dehors.
Senza tempo une nuit on enlace les corps.

                       Perdendosi les paroles s’étiolent.

Pomposo on dément ;
                                              A cappella on se quitte.

                                                                                                         Da capo.

La morsure des mûriers

Un corps étranger
dans le miroir
une mue devenue perceptible

Des épaules
rose pudeur
épluchées
sous des lumières trop crues

Un ventre arqué
île à figuiers
le dessous des pieds endurci
au galet
à la terre
au bitume

La morsure des mûriers
au creux des cuisses

Des taches errantes
à la sanguine
quelques ombres nouvelles
les lignes bleues
des insomnies

L’inachevé d’un rire
dans les reins

Une bouche identique ?
la joue en sucre
parfois
sous la larme

Les mains de l’enfance
le nombril heureux
et le ciel encore
en contre-plongée